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Deux ou trois choses sur le leadership et le management mises en lumière par la crise COVID 19, le confinement et le déconfinement… et qui resteront prégnantes dans les temps de forte incertitude à venir.

Article rédigé par Nicolas Maigrot pour la newsletter de l’ARAFDES de mai 2020

Spécialiste du management, de la conduite du changement et des dynamiques d’équipe, j’interviens régulièrement auprès de dirigeants, d’encadrants et de collectifs travaillant au sein d’organisations médicosociales. A l’invitation de l’ARAFDES, en m’appuyant sur mes échanges et mes interventions dans le secteur pendant la période du confinement, je partage avec vous quelquesuns des nombreux enseignements de cette période exceptionnelle, à propos de la formation et du développement professionnel des dirigeants et des managers. 

Le besoin de leadership, au-delà du besoin de management

On le sait, en temps de crise et de forte incertitude, les individus tendent à se tourner vers leurs dirigeants, pour qu’ils apaisent leur inquiétude, définissent une ligne de conduite rassurante, formulent sans tergiverser des réponses rationnelles quant à la meilleure manière de faire face aux risques et à l’incertitude.

« La crise va mettre en lumière les réserves de confiance que l’organisation et ses dirigeants ont su capitaliser au fil du temps auprès de leurs équipes. » 

Plus que jamais, de la Direction Générale au chef de service, les équipes ont besoin de responsables capables de décider, solides et fiables, sachant faire preuve de disponibilité, de présence. Ils sont particulièrement sollicités dans leurs capacités à écouter, à prendre la parole, expliquer, rassurer, être en lien, accompagner, soutenir, prendre soin. Bien des réputations de dirigeants et de managers s’écroulent en tant de crise, faute d’avoir été perçus comme étant à la hauteur des défis et des événements.

Pendant la crise les individus pressentent aussi progressivement que celle-ci peut déboucher, à plus ou moins brève échéance, sur d’importants changements qui viendront bousculer les règles, bouleverser les priorités et affecter les ressources. Au-delà de la qualité et de la rapidité des décisions prises, les collaborateurs vont ainsi juger leurs dirigeants sur leurs capacités à préserver leurs salariés et à assurer la pérennité de l’organisation… quitte à prendre pour ce faire des décisions difficiles et impactantes pour toute ou partie des collaborateurs.

« Si le management, c’est ’’ faire les choses bien ‘’, le leadership, c’est ‘’ faire les bonnes choses ‘’ »

La crise va ainsi mettre en lumière les réserves de confiance que l’organisation et ses dirigeants ont su capitaliser au fil du temps auprès de leurs équipes. Elle agit particulièrement comme un révélateur des qualités de leadership d‘un responsable, à quelque niveau de responsabilité qu’il soit.

Si d’ordinaire on peut dire qu’un bon management est un management qui s’assure de la mise en œuvre optimum des moyens humains et matériels pour atteindre les objectifs de l’organisation, en temps de crise, selon l’expression consacrée, si le management, c’est « faire les choses bien », le leadership, c’est « faire les bonnes choses ».

 

 

 

 

Les capacités relationnelles et l’intelligence émotionnelle plus que jamais au cœur du métier de manager

Dans nombre d’échanges que j’ai pu avoir avec des acteurs du secteur médicosocial pendant le confinement, j’ai été frappé par le dévouement de la très grande majorité des professionnels envers « leurs » usagers et des cadres envers « leurs » équipes. Beaucoup des managers se sont investis –

et souvent même surinvestis – dans un accompagnement et une disponibilité soutenus auprès de leurs équipiers, soulignant, révélant parfois même, de formidables qualités managériales  et relationnelles. 

« Plus que jamais, dans la crise le manager doit savoir puiser dans ses réserves d’empathie pour éviter que les collaborateurs ne se sentent incompris, au risque d’aggraver la dimension anxiogène de la situation »

Certains témoignages recueillis sur la période récente me laissent cependant à penser que le temps où l’on pouvait trouver légitime d’excuser un manque d’écoute et de considération d’un supérieur hiérarchique stressé et surchargé envers ses collaborateurs, n’est pas totalement révolu. Or si en temps normal ces « écarts de conduite » se révèlent dommageables, en période d’incertitude ils peuvent s’avérer délétères pour le moral et l’engagement de salariés devant faire face à l’incertitude et à des contraintes exceptionnelles.

Cette crise inédite démontre ainsi l’importance primordiale d’aider les managers à cultiver leurs capacités d’écoute et de bienveillance. Prendre au quotidien des nouvelles des collaborateurs avec bienveillance, tenir compte des différences de vécu des impacts de la crise d’un collaborateur à l’autre et se défier de ses jugements et de sa tendance à la comparaison, intervenir sur des situations tendues en favorisant des échanges sereins avec ses collaborateurs, constituent dans cette période autant d’aptitudes essentielles.

Plus que jamais, dans la crise le manager doit savoir puiser dans ses réserves d’empathie pour éviter que les collaborateurs ne se sentent incompris, au risque d’aggraver la dimension anxiogène de la situation…. Et tout cela en communiquant plus souvent à distance qu’avant la crise sanitaire, par téléphone ou visioconférence, outils qui nous privent, si l’on n’y est pas habitué, d’une partie de nos capacités à percevoir l’état d’esprit et l’état émotionnel de nos interlocuteurs. 

« En période d’incertitude ou la crainte, le stress et l’anxiété s’accroissent, le manager doit être capable de reconnaître, de légitimer, de favoriser et d‘accompagner l’expression des émotions »

Cette crise nous montre ainsi l’importance déterminante de l’intelligence émotionnelle chez les dirigeants et les managers. En période d’incertitude ou la crainte, le stress et l’anxiété s’accroissent, le manager doit être capable de reconnaître, de légitimer, de favoriser et d‘accompagner l’expression des émotions. Il doit parfois passer outre son appréhension et ses idées préconçues sur les risques à encourager ses collaborateurs à verbaliser leurs ressentis (donner trop de place aux affects, devoir gérer des « débordements », ouvrir la boite de Pandore…).

Cette fameuse intelligence émotionnelle repose avant tout sur des aptitudes d’empathie, ainsi que sur une capacité à comprendre et à « gérer » ses propres émotions, pour maîtriser au mieux sa communication et être le plus rassurant possible. Mais elle repose aussi sur une connaissance fine de la « mécanique » des émotions et sur une appréhension « suffisante » de leur potentielle évolution pathologique. Si le manager n’est pas un « psy », en période de crise spécialement, et en particulier s’il encadre des professionnels de l’intervention sociale ou médicosociale travaillant en « première ligne », il est important qu’il puisse repérer chez un collaborateur – en s’appuyant si possible sur l’avis d’un professionnel expert – les symptômes d’une situation de stress aigu, d’une rumination mentale active ou d’un état de d’anxiété, sources d‘affaiblissement des mécanismes de défense psychique de l’individu.