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L’exemple du CTRDV (PEP 69)


Retour d’expérience sur une démarche que j’ai animée fin 2020, avec Carole Malet, directrice adjointe du Centre Technique Régional pour la Déficience Visuelle.

Entretien réalisé par Caroline Moretti.

« Ces pauses d’équipe animées par Nicolas Maigrot nous ont permis de comprendre et d’intégrer ce qui nous était arrivé avec la crise COVID. Je n’imaginais pas que ces temps soient si riches en expression mais aussi en prises de conscience. (…) Ils ont aussi relancé la dynamique autour du projet de service, mise à mal par les contraintes imposées par la crise sanitaire. Je ne m’attendais pas à cet effet très intéressant! »

Des équipes dans la tourmente

Le CTRDV est  un centre ressource pour l’accompagnement de jeunes déficients visuels en Rhône-Alpes, géré par l’association PEP 69 Métropole de Lyon. Nos 26 salariés sont organisés en trois secteurs d’activité, avec des métiers rares et techniques : une équipe de transcripteurs qui adaptent des supports de cours et de lecture pour les déficients visuels, une équipe mobile, composée d’ergothérapeutes et d’instructrices de locomotion, qui facilitent l’autonomie des jeunes déficients visuels dans leur quotidien et  une équipe en charge de l’évaluation des potentialités visuelles.

Le confinement du printemps 2020 a forcé les professionnels à télétravailler pendant deux mois, sans possibilité de contact physique avec les enfants, ce qui ne faisait pas du tout partie de la culture de notre établissement. Certains ont apprécié de pouvoir organiser leur travail à leur guise et de ne plus avoir de temps de transport. Mais globalement, le choc a été rude pour les salariés qui se sont retrouvés isolés et forcés de faire de gros efforts d’adaptation et de créativité. Il n’était plus possible de se voir en équipe. Malgré les échanges et les réunions par visio, nous avions la sensation de ne plus faire corps.

Puis est arrivé le confinement partiel de l’automne. Nous avons pu reprendre une partie de notre activité en respectant des contraintes sanitaires drastiques. Nouvelle situation, nouvelle adaptation. Nous espérions pouvoir reprendre l’activité normalement en septembre mais cela n’a pas été le cas. La perspective d’un retour à la normale s’est éloigné.

À l’été 2020, j’ai ressenti que l’équipe « allait mal », comme j’ai pu le formuler à Nicolas Maigrot. Au-delà de ce que je pouvais leur proposer en termes d’écoute et d’échange, j’ai senti la nécessité d’organiser un temps spécifique pour que chacun s’exprime sur la manière dont il avait vécu cette période, aussi bien au niveau de l’organisation du travail que d’un point de vue relationnel. Partager ce qui avait été compliqué pour chacun mais aussi pointer ce qui avait été positif pour nous rebooster collectivement.

« Nicolas a une grande capacité à synthétiser et à saisir une expression individuelle pour la ramener vers le vécu collectif. Cela permet de rassembler le groupe et de prendre de la hauteur.  Prendre le temps de penser, prendre de la distance, c’est ce qui permet la transformation. »

 

Des temps d’échanges collaboratifs et constructifs animés par un tiers

En novembre, nous avons organisé une demi-journée d’échange en présentiel pour chacun des 3 secteurs d’activité. J’ai fait appel à Nicolas Maigrot qui mène déjà un accompagnement des cadres dans notre association, pour m’aider à mettre en place ces temps d’échange et les animer. Sans tiers c’est moi qui aurai animé ces temps d’équipe. Or je suis aussi dans l’équipe. J’ai moi aussi vécu des choses délicates durant cette période, avec une organisation complexe à mettre en place, et le souci de l’équipe. Solliciter un intervenant extérieur m’a permis de privilégier une posture d’écoute et m’a permis de bénéficier d’un regard distancié.

« Nicolas s’est appuyé sur ce qui fonctionne bien au sein du CTRDV et sur ce que nous avons déjà mis en place, notamment le travail collaboratif autour du projet de service.»

A chaque fois, Nicolas introduisait la séance puis proposait une trame pour faciliter l’expression individuelle. Chacun prenait le temps de réfléchir et de noter ses mots-clés. Tout le monde a joué le jeu. Nicolas a une grande capacité à synthétiser et à saisir une expression individuelle pour la ramener vers le vécu collectif. Cela permet de rassembler le groupe et de prendre de la hauteur.

Mon intention première était de parler des choses vécues pendant le confinement mais chaque groupe a rapidement élargi l’échange vers les points forts et les faiblesses de notre organisation, à la lumière de cette situation exceptionnelle, comme si elle avait servi de catalyseur.

« J’ai demandé à Nicolas Maigrot d’être au-delà de l’animation, dans un apport, un étayage en réaction à ce qu’il entendait. Un champ théorique ou des conseils qui apportent quelque chose à l’équipe. Il a tout à fait compris ma demande et a joué le jeu.»

Je n’imaginais pas que ces temps soient aussi riches en expression et en prises de conscience.
Nous avons mis en lumière qu’au-delà des difficultés, les équipes avaient su s’adapter et faire émerger de nouvelles pratiques que nous avons envie de faire perdurer. Par exemple : les transcripteurs qui d’habitude travaillent en lien avec les enseignants ont dû travailler avec les parents. Jusque-là, certains professionnels avaient des craintes par rapport aux familles parce que lorsque celles-ci les contactent c’est généralement que quelque chose ne va pas. Là, ils se sont retrouvés dans une relation constructive et ils en redemandent ! Renforcer le lien entre les professionnels et les parents est un des axes du projet de service que j’ai envie de développer en prenant appui sur cette expérience encourageante.

Cela nous a fait du bien de sentir une équipe présente et motivée. La partie n’est pas encore gagnée, il faut s’attendre à ce que la crise sanitaire nous fasse vivre d’autres évolutions mais nous saurons collectivement prendre appui sur les éléments positifs de cette expérience.

« Certains salariés ont imaginé que ce serait un travail psychologique, je savais que Nicolas ne serait pas dans ce registre, plutôt dans celui du coaching »

Une impulsion pour nourrir un travail dans la durée

Nicolas Maigrot nous a transmis une synthèse écrite et structurée qui donnait à voir ce qui s’était dit dans chaque groupe autour du « premier confinement » et des « forces et fragilité de notre dispositif ». Il a mis en relief ce qui est commun aux trois groupes et qu’il nous faut travailler collectivement. Cette synthèse a été remodelée pour être présentée à tous les membres du CTRDV. Le travail mené avec Nicolas nous a permis de mettre en mots et en partage ce qui nous était arrivé mais aussi de relancer la dynamique enclenchée autour du projet de service que nous avions dû mettre en sommeil à cause de la crise sanitaire. Il nous a fait prendre conscience que le « comme avant » n’est plus forcément notre visée. Nous allons intégrer les nouvelles façons de faire que cette situation exceptionnelle nous a amenés à expérimenter pour faire évoluer nos pratiques.

« Il faut s’attendre à ce que la crise sanitaire nous fasse vivre encore d’autres évolutions mais on saura collectivement prendre appui sur les éléments positifs qui ont été exprimés durant ces échanges. »

Le travail réalisé est allé au-delà de mes attentes. Je souhaitais que se disent les choses problématiques sur l’organisation du travail et les questions relationnelles avec l’intention de remettre une dynamique d’équipe, ou de montrer que la dynamique était toujours à l’œuvre même si on ne s’en rendait pas compte. Que chacun se rende compte de ce que vivait les autres pour remettre du lien. Ce travail est allé au-delà puisqu’il a permis de reboucler avec des préoccupations que nous avions déjà pointées, de remettre du sens sur notre action et de nous remettre en mouvement. On pourrait imaginer d’organiser ce genre de temps tous les deux ans pour questionner notre fonctionnement et nos pratiques et continuer à travailler de mieux en mieux.

Le risque de ce type d’exercice c’est que tout retombe comme un soufflé, et c’est surtout ce que je ne voulais pas. Il est impératif de trouver comment articuler ce genre de temps d’animation avec le projet de l’établissement dans son ensemble et de faire en sorte que les équipes soient actrices de ce processus. Ce travail nous a permis de nous remettre en route. À nous, collectivement de ne pas lâcher ! ***

Coup de projecteur sur deux autres « temps de pause » 

co-animés avec une consoeur

Olivier Trévelot, directeur de La Croix du sud, MECS à Bully


« Chacun s’est exprimé de manière sincère et constructive et a pu aborder les questions émotionnelles en toute sécurité. C’était un moment qui décompresse dans une période qui nous compresse. Cela a amélioré notre capacité d’expression collective »

La quarantaine de salariés de notre MECS a vécu le confinement du printemps 2020 au plus près des enfants. Tous se sont mobilisés, fédérés, pour traverser la crise du mieux possible. Il y a eu des moments magnifiques et des moments éprouvants. Tout cela nécessitait d’être mis en parole pour rassembler les équipes et faire lien avec notre cœur de métier.

J’ai sollicité Nicolas Maigrot pour animer un temps d’échange de 2h30 avec tous les salariés en juin 2020. Avec sa consœur Fabienne Giron ils ont proposé un temps dynamique et interactif. Chacun s’est exprimé de manière sincère et constructive et a pu aborder les questions émotionnelles en toute sécurité. C’était un moment qui décompresse dans une période qui nous compresse. Cela a amélioré notre capacité d’expression collective et je pense que ce n’est pas un hasard si le déconfinement s’est fait dans de bonnes conditions.

L’enjeu est maintenant de poursuivre le travail. Avec la crise sanitaire qui perdure, une certaine fatigue professionnelle apparait. Il est essentiel de comprendre l’impact du contexte sur nos pratiques et d’offrir un cadre de travail sécurisant aux salariés. La mise en place de temps collectifs dans la durée peut nous y aider.

Éric Maugourd, directeur de pôle de la Sauvegarde 26

« L’animation de Nicolas et Fabienne pour cette journée, à la fois cadrante et agile, a permis à chacun d’oser exprimer ses ressentis d’une manière constructive. (…) Nous étions dans une proximité bienveillante qui nous a donné envie de nous projeter dans l’avenir »

Nous avons organisé en octobre 2020 un « temps de pause » avec les membres du Centre de Placement Familial, l’équipe éducative et les assistants familiaux qui ont vécu le confinement avec les enfants. Cette journée, co-animée par Nicolas Maigrot et Fabienne Giron avait pour but de permettre une expression collective sur ce que cette période nous avait fait vivre, ce qu’on en retenait comme difficultés et comme ressources.

Les gens ont répondu à l’appel, signifiant leur envie de se retrouver et de partager. L’animation proposée par Nicolas et Fabienne, à la fois cadrante et agile, leur a permis de parler d’eux, d’oser exprimer leurs ressentis d’une manière constructive. Ne pas animer moi-même cette journée m’a permis d’être au même niveau humain, au-delà des questions hiérarchiques. Nous étions dans une proximité bienveillante qui nous a donné envie de nous projeter dans l’avenir.